CANNABIS : l’abus (de polémique) nuit gravement à la santé !

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CANNABIS : l’abus (de polémique) nuit gravement à la santé !

Mensajepor Rivalpo » Jue Abr 17, 2014 8:23 pm

Par Pierre Chappard (coordinateur du Réseau Français de Réduction des risques et président de PsychoACTIF, ex- président d'Act Up – Paris de 2009 à 2011) et par Jean-Pierre Couteron (psychologue clinicien, président de la Fédération Addiction)


L’Académie nationale de médecine avait consacré sa séance du 25 mars 2014 au cannabis et aux nouveaux cannabinoïdes de synthèse. Nous n’avions pas réagi, tant sur ce sujet elle persiste dans des avis monothématiques qui listent des dangers et exhortent à la sanction. Celui-ci ne déroge pas à la règle, il prône une pédagogie soutenue en direction des jeunes que personne ne conteste, une vigilance particulière au sein des établissements psychiatriques et le refus de toute concession vis à vis de « ceux qui contribuent à l’expansion de cette toxicomanie ». Il désigne deux cibles nouvelles : les achats sur internet de graines ou nouveaux cannabinoïdes de synthèse et la vente aux mineurs du matériel permettant la culture et la consommation.

Le docteur Didier Jayle, fort de son expérience de président de la MILDT de 2002 à 2007, a répondu par un argumentaire détaillé, s’attirant une violente diatribe d’un des académiciens, Jean Costentin, qui elle, mérite réaction. Les attaques contre Nicole Maestracci et Didier Jayle qu’elle comporte inquiètent sur une possible transformation d’un académicien en politicien populiste. Faut-il y voir la conséquence d’une trop forte exposition aux vapeurs du CERU, ce Think tank où il retrouve le député Bernard Debré et des membres de l’Union Nationale Inter-universitaire ? C’est à l’Académie de se prononcer.

Nous nous contenterons du débat, qui mérite mieux que ces éructations. Le premier reproche fait à cet avis est de ne pas suffisamment prendre en compte l’évolution de la société pour comprendre pourquoi les jeunes Français sont à ce jour parmi les plus gros consommateurs de cette drogue. La réponse de Costentin est pure polémique : c’est la faute à Jayle et à Maestracci! Que peut-on essayer d’en dire ?

D’abord que l’augmentation de la consommation de cannabis se fait entre 1990 et 2000 n’a pas été limitée à la France puisqu’elle a touché dans cette période l’ensemble des pays européens. Or ces mêmes années sont celles où les sociétés européennes connaissent d’importantes transformations, avec la montée en puissance d’un environnement addictogène, celui d’une « industrialisation du plaisir » selon l’expression d’Yves Michaud, récupération par un marketing triomphant et un marché tout puissant des idéaux libertaires des années 1960 . Ensuite qu'il y aurait beaucoup à apprendre en regardant comment chaque pays s’est adapté à ce mouvement.

En France, la baisse est amorcée par Nicole Maestracci en 2002/2003, alors qu’elle laisse sa place à Didier Jayle. Elle s’accentue pendant le mandat de celui-ci jusqu’en 2007, avant qu’une reprise de la consommation soit observée entre 2008 et 2011-2012. Pour être précis, il faudrait distinguer en détail les tendances de consommation, en distinguant par exemple, l’expérimentation (essayer le cannabis pour la première fois) et la consommation régulière, il faudrait interpréter ces tendances selon l’âge : devenir usager régulier ne comporte pas les mêmes risques à 15/16 ans, à 17 ans ou à l’âge de la majorité, à fortiori chez le jeune adulte.

Enfin ces tendances de consommation n’ont pas affecté toutes les régions françaises de la même manière. Mais si l’on s’en tient à l’exemple des jeunes de 17 ans et de leurs usages dits réguliers, la tendance 2008-2012 confirme cette reprise : hausse du tabagisme et de l’alcoolisation, net ralentissement de la baisse de la consommation régulière de cannabis, contrairement à nos voisins, ce qui explique le mauvais classement final.

Le deuxième angle de la critique de Didier Jayle pointe les limites d’une approche strictement prohibitive qui « ne fonctionne pas dans les pays démocratiques » et transforme les principes doctement énoncés par l’Académie en autant de vœux pieux. Costentin feint d’y voir un abandon de toute volonté de régulation et répond par un éloge du « modèle suédois », avec là encore une formule politique « là où il y a une volonté il y a un chemin ».

Que ce soit Lénine ou un autre qui l’ait prononcée, cette formule sonne étrangement dans le champ des addictions où elle entretient la confusion entre volonté et motivation comme principal moteur du changement de comportement. Quand au modèle suédois, il se caractérise certes par des niveaux d’usage de cannabis faibles… mais avec des budgets de prévention hauts, contrairement à la France ; un accès à l’alcool très surveillé, avec des horaires de ventes régulés dans des boutiques étatisées mais des problèmes de santé aigus chez les usagers les plus en difficultés, une culture de l’alcoolisation tout aussi aiguë, etc… Comparons les politiques nationales, mais pas une seule sous un seul angle, sans prendre en compte l’ensemble des caractéristiques du modèle.

Il serait aussi intéressant de reprendre, avec un interlocuteur plus ouvert au débat, l’intérêt d’un interdit éducatif pour dissuader les usages précoces qui sont aussi les plus dangereux. Ni Nicole Maestracci ni Didier Jayle n’en ont jamais nié l’intérêt. Mais un tel interdit peut être différemment posé et n’est pas obligatoirement synonyme de prohibition ou de pénalisation de tous les usages et de tous les types usagers. Ne pas accepter d’y réfléchir revient à se priver de trouver des solutions nouvelles.

La troisième critique n’est même pas discutée par Jean Costentin qui préfère répéter les mesures d’interdiction réclamées par l’Académie en faisant mine de croire que Didier Jayle se désintéresse des publics concernés, malades mentaux, jeunes, accidentés de la route. Or ce sont pourtant de ces orientations de la réponse publique qu’il faudrait débattre pour aider ces publics. Nicole Maestracci avait initié la nécessité de considérer tous les usagers et les différents types d’usage, tabac, alcool, cannabis et autres, sur la base de connaissances scientifiques validées. Elle avait ainsi lancé l’addictologie, réorganisant et modernisant les réponses de santé et de prévention.

Didier Jayle avait créé des consultations simple d’accès, ouvertes aux jeunes et aux familles, les Consultations Jeunes Consommateurs, anonymes et gratuites dans tous les départements, et, avec France Lert, il avait initié la première recherche clinique sur une psychothérapie du cannabis qui a depuis a été validée scientifiquement. Dans ces politiques, il s’agissait d’adapter le dispositif médico-social pour une réponse plus précoce, dès les premières expérimentations tout en répondant mieux à l’usage intensif, de soutenir les familles et de poser des limites, tout en communiquant sur les risques.

Etienne Apaire, qui présida la MILDT pour la période 2007-2012 sous le mandat de Nicola Sarkozy, a privilégié l’application de la loi et la défense de l’interdit, préférant les stages collectifs payants aux Consultation Jeunes Consommateurs individualisées par exemple, communiquant largement sur les dangers des substances et sur les sanctions. Mais face aux résultats décevants, il a relancé les CJC dont Danièle Jourdain-Ménninger, la présidente actuelle, fait une des principales priorités du nouveau plan gouvernemental et de son approche intégrée.

L’expertise de l’Académie de Médecine pourrait être utile, mais elle ne saurait être exclusive. Et ses membres devraient s’interroger sur le sens de réponses aussi haineuses, dévoilant peut-être une conséquence grave de l’abus de polémique cannabis chez certains d’entre eux : la perte de la capacité à écouter l’autre

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Rivalpo
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Réponse du Dr Didier Jayle à l'Académie de Médecine

Mensajepor Rivalpo » Jue Abr 17, 2014 8:31 pm

Cannabis : « Non l’Académie de Médecine ne remplit pas sa mission ! » par Jean-Yves Nau, journaliste et docteur en médecine

On ne rit plus. La violente sortie de l’Académie nationale de Médecine sur le thème du cannabis n’est pas restée lettre morte. Nous en avons rapporté ici même le contenu (« Cannabis, alerte rouge à l’épidémie ») et les mesures drastiques signées J. Costentin, J.-P. Goullé et J.-P. Olié – au nom de la commission VI). Nous ajoutâmes que l’institution rajeunie de la rue Bonaparte remplissait ainsi sa mission bicentenaire : conseiller ceux qui nous gouvernent.

Parenthèses heureuses


« Tous (ou presque) reconnaîtront que l’Académie nationale de Médecine ne fait, ici, que remplir sa mission » écrivions-nous. Bienheureuses parenthèses. Car cette opinion n’est pas pleinement partagée (euphémisme) par nombre de ceux qui, engagés volontaires, montent quotidiennement au front des assuétudes. Notamment au sein du solide bataillon « SOS Addictions ».

Nous publions ci-dessous (avec la bénédiction du Dr William Lowenstein, président de SOS Addictions) le texte-boomerang que nous a adressé le Dr Didier Jayle. Ancien président (2002-2007) de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), Didier Jayle est professeur d’addictologie au Conservatoire National des Arts et Métiers et médecin dans le service d’immunologie de l’Hôpital Européen Georges-Pompidou. Il dirige par ailleurs le site vih.org ainsi que la revue Swaps.

Réplique à l’Académie

Voici son texte auquel nous n’avons ajouté que des intertitres. Il n’est pas interdit d’espérer que l’Académie nationale de médecine accepte de descendre, un matin prochain, sur le pré.



« Merci d’exciter notre sagacité!

Non, l’Académie nationale de Médecine ne remplit pas sa mission. Sous l’influence de quelques membres extrémistes, elle lance des oukases inutiles dans un domaine qu’elle connaît mal. Elle ne tient aucun compte de l’évolution de la société et propose des solutions qui ont fait la preuve de leur inefficacité.

Certes, le cannabis n’est pas un produit anodin, mais il fait partie intégrante de l’environnement des jeunes européens. La prohibition ne fonctionne pas dans les pays démocratiques, les académiciens devraient en prendre conscience. Ils s’affolent parce que l’expérimentation de cannabis a explosé entre 1993 et 2012, mais c’est une réalité dans tous les pays occidentaux et il est illusoire de penser qu’on peut réduire ce phénomène de société maintenant ancien. « Le cannabis EST une réalité » *. Et les méfaits de la consommation occasionnelle de cannabis ne sont pas avérés (en dehors de la conduite), même si l’Académie n’en fait pas mention.

Quatre vœux pieux

Leurs quatre propositions ne sont rien d’autres que des vœux pieux :

1 - En psychiatrie, est-ce en prévenant le commerce DANS les établissements psychiatriques (sous peine de désaccréditation), qu’on va réduire la consommation des personnes atteintes de troubles psychotiques ? On croit rêver !

2 - En prison, où les problèmes sont multiples, l’administration pénitentiaire a bien d’autres priorités que le cannabis sauf quand il entraîne des trafics organisés et violents. La consommation en elle-même n’est pas un facteur d’agressivité des détenus contrairement à ce que sous-entend la déclaration de l’Académie de Médecine.

3 - En ville, interdire par la loi l’achat de matériel et de semences sur internet aurait surtout l’effet de priver les consommateurs d’un moyen d’approvisionnement qui les gardent loin du trafic. Ce serait donc une mesure qui ravirait les trafiquants en leur donnant le monopole de la distribution. En pratique, elle est de toute façon inapplicable. Pour ce qui concerne l’interdiction de vendre des vapoteurs aux mineurs, on ne voit pas très bien le lien avec le cannabis. Quant à l’interdiction de vendre du papier à cigarette « grand format», elle aboutirait à avoir des joints plus petits (ou plus grands avec deux feuilles collées)! Quel progrès !

4 - Sur la route, les contrôles sont coûteux, (à la grande satisfaction de certains membres de l’Académie de Pharmacie), et en forte augmentation. L’Académie ne devrait pas ignorer que c’est l’alcool qui est responsable de la majorité des accidents mortels sur la route (environ 30%) et aussi la consommation associée d’alcool et de cannabis (risque multiplié par 15 alors que le cannabis seul augmente le risque, certes, mais d’un facteur 2, soit autant que l’alcool à un taux toléré (0,5 g/l). (étude SAM)

Prise en charge des fumeurs intensifs

Les problèmes sanitaires mis en avant par l’Académie de Médecine sont réels quoique qu’abordés sans nuance, en particulier la relation entre consommation de cannabis et cancers ORL ou broncho-pulmonaires qui reste très mal documentée, de même que les liens avec les accidents vasculaires qui, s’ils existent, sont loin d’avoir l’ampleur des risques liés au tabac qui sont absolument prouvés et considérables. Et pourtant ce n’est pas l’interdiction de la vente de tabac qu’elle réclame.

La seule politique qui semble donner des résultats est une politique de prévention et de prise en charge des fumeurs intensifs. La loi n’est pas capable d’empêcher la disponibilité de cannabis, c’est vrai en France et ailleurs. La consommation de cannabis a flambé après la loi de 1970 (!) comme celle de la cocaïne, qui a flambé après la loi de 1916, entre 1918 et 1925. L’interdiction et la répression n’ont aucun impact sur les niveaux de consommation. Il y a moins de jeunes fumeurs de joints en Hollande où la consommation personnelle est tolérée, qu’en France où elle est sanctionnée.

Non à la prohibition


La politique publique que j’ai eu l’honneur d’influencer entre 2003 et 2007 notamment sur le cannabis en organisant des campagnes d’information sur le cannabis, en créant les consultations « Jeunes consommateurs » anonymes et gratuites dans tous les départements, semble avoir eu un certain impact sur les consommations des jeunes si on en juge par les enquêtes publiées par l’OFDT, ESPAD et ESCAPAD ; le nombre de consommateurs réguliers de cannabis a baissé sensiblement entre 2002 et 2007 dans les deux enquêtes. Dans ESPAD : de 6,1% à 3,7% entre 2003 et 2007. En 2011, après quatre ans d’absence de campagne publique ciblée et du tout répressif, le taux est remonté à 8,1%. (lettre « Tendances » n°89 de novembre 2013, site http://www.ofdt.fr).

Ces constats renforcent ma conviction que ce n’est pas l’interdiction et la prohibition qui peuvent faire baisser l’usage, mais bien plutôt une meilleure prise en compte des modes de ces consommations, un dispositif sanitaire plus qu’un dispositif répressif inefficace. Les mesures préconisées par l’Académie de Médecine ne sont pas pertinentes, elles sont idéologiques et non pragmatiques
. »

Didier Jayle

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