Désintoxiquons les Français des anxiolytiques

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Rivalpo
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Désintoxiquons les Français des anxiolytiques

Mensajepor Rivalpo » Sab Ene 25, 2014 8:56 pm

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Une fois de plus les chiffres sont tombés, implacables : la France est toujours le plus mauvais élève de la classe, ce qui signifie qu’elle reste, comme depuis des dizaines d’années, le plus gros prescripteur et, partant, le plus gros consommateur au monde de benzodiazépines, que celles-ci soient hypnotiques ou anxiolytiques. Comment expliquer ce triste phénomène dont rien, au niveau du moral des Français, ne vient rendre compte : globalement, nos compatriotes ne sont ni plus ni moins insomniaques ou angoissés que les autres Européens ou que les Américains, bref que les citoyens du monde développé. Cette question revêt une importance considérable en termes de santé publique : non seulement, ces produits sont dangereux, mais en plus ils finissent par coûter cher. Très cher même, si l’on songe à tous les coûts indirects.

Dangereux ? J’ai commencé ma carrière de médecin à la fin de l’ère des barbituriques (Gardénal, Binoctal, Imménoctal…) et c’était une bonne chose, car, il faut bien le dire, leur toxicité immédiate était terrible : une tentative de suicide avec un de ces produits pouvait rapidement vous mener au cimetière, alors que les nouvelles molécules appelées « benzodiazépines » étaient considérées comme quasiment dénuées de danger en cas de surdosage et si elles étaient prises seules. En effet, un surdosage volontaire ou accidentel de Lexomil, Xanax, Témesta fait dormir plus longtemps, dans un coma sans risque ou presque, et se réveiller normalement. Il faut reconnaître que c’était un sacré progrès ! Du coup, ces substances ont acquis – à tort – leur réputation d’innocuité. Ce n’est que des années plus tard qu’on a pris conscience de tous leurs inconvénients. Et ils ne manquent pas !

DES DROGUES QUI RENDENT DÉPENDANT

Ainsi, il est vrai que les benzodiazépines sont potentiellement des drogues qui rendent dépendant ; mais, après tout, si elles guérissaient, où serait le problème ? Personne ne se plaint d’être dépendant de l’insuline en cas de diabète, puisque cela permet la survie. Certes, mais en réalité, ces molécules soulagent, sans soigner. Et elles représentent par ailleurs un vrai danger.

Par exemple, un petit quart d’un de ces comprimés multiplie par deux le nombre et la durée des apnées, ces arrêts respiratoires qui se produisent à l’insu du dormeur et mènent à l’infarctus, à l’accident vasculaire cérébral (AVC), mais aussi à l’accident en cas d’endormissement au volant, à l’embolie artérielle du fait des troubles du rythme cardiaque, sans parler de l’hypertension, de l’impuissance, de l’épuisement et de la somnolence permanente. Si un sujet âgé de 60 ans a, de manière presque normale, dix apnées de plus de dix secondes par heure de sommeil, on se contente en général de le surveiller, car on n’est pas vraiment dans la maladie. Mais si ce même sujet avale tous les soirs un quart d’un de ces comprimés prétendument anodins et prescrits sans précautions, il va produire vingt voire trente apnées de vingt secondes, et là, il sera vraiment malade ; ce sera donc ce sacré petit fragment de benzodiazépine qui pourra être responsable de la crise cardiaque quelques années plus tard. Las, le Vidal ne signale même pas ce risque, pourtant majeur, et rares sont les médecins qui, avant de prescrire une de ces molécules, posent systématiquement la question, pourtant essentielle, du ronflement ou bien interrogent le conjoint sur les pauses respiratoires, suivies de reprises suffocatoires bruyantes.

Autre inconvénient : toute personne âgée qui se lève la nuit pour boire ou aller aux toilettes après avoir pris un somnifère risque de chuter et de se casser le col du fémur, et ce peut être le début de la fin.

ALTÉRATION DE LA MÉMOIRE

Par ailleurs, l’altération de la mémoire entraînée par ces médicaments est connue depuis longtemps, mais, depuis un peu plus d’un an, grâce à l’étude Paquid dirigée par le professeur Bernard Bégaud, il a été démontré de manière convaincante que l’imprégnation prolongée par ces molécules peut conduire à un Alzheimer, vrai ou faux peu importe, en tout cas à ce que l’on appelait autrefois la « démence sénile ».

Il arrive enfin qu’une personne non habituée aux somnifères soit réveillée au moment où la molécule est en plein pic d’absorption, par exemple par le téléphone. Le risque existe alors de la voir commettre un assassinat, un vol, tenter de se jeter par la fenêtre et n’en garder aucun souvenir le lendemain. J’ai eu, en tant qu’expert psychiatre, à donner mon avis sur des crimes commis sous l’influence de ces drogues, et il faut bien reconnaître que le discernement, dans ce cas de figure, peut parfois être considéré comme aboli.

Une fois bien établie la certitude de la non-innocuité de ces molécules prises plus longtemps que ne le voudrait la Haute Autorité de santé, c’est-à-dire quatre semaines pour les somnifères et douze pour les tranquillisants, on pourrait se demander pourquoi la France en consomme autant. Un autre phénomène typiquement hexagonal est à rapprocher du premier : la terrible pénurie de psychiatres. Essayez d’avoir un rendez-vous avec l’un de ces honorables praticiens… Il y a fort à parier que vous n’obtiendrez satisfaction que pour dans six mois, voire un an, et que, souvent aussi, vous tomberez sur un répondeur qui vous dira benoîtement : « Je n’accepte plus de nouveaux patients. » Et cela parfois même dans les consultations publiques des centres médico-psychologiques.

EN FRANCE, LES PSYCHIATRES NE FONT PAS (QUE) DE (LA) PSYCHIATRIE !

Le paradoxe est qu’on compte deux à trois fois plus de psychiatres dans notre pays que dans toutes les contrées environnantes d’Europe, qu’au Canada et qu’aux Etats-Unis. Comment comprendre une telle pénurie, dans un pays ni plus ni moins malade que les autres alors qu’en réalité il y a plus de praticiens chez nous que partout ailleurs ? La réponse tient en quelques mots : en France, les psychiatres ne font pas (que) de (la) psychiatrie !

Que font-ils donc, alors ? Eh bien, essentiellement de la psychothérapie, de la psychanalyse, des thérapies cognitivo-comportementales (TCC), de l’hypnose… autant d’activités que les psychologues et psychothérapeutes pratiquent tout aussi bien – et pour nettement moins cher. Mais, en France, lieu de toutes les exceptions culturelles, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays, il n’existe aucune prise en charge pour les psychologues et les psychothérapeutes, ni par la Sécurité sociale ni par les mutuelles.

Dès lors, la boucle est bouclée : si l’on veut que les Français « mangent » moins de tranquillisants et de somnifères, il faut leur offrir un traitement alternatif, à savoir les TCC, pour citer les plus étudiées, et probablement les plus efficaces. Mais comme celles-ci ne sont pas accessibles puisque les consultations chez les psychologues ne sont pas remboursées et que les cabinets de psychiatres sont surchargés, force est d’aller chez son généraliste et de lui susurrer en fin de consultation : « Au fait, n’oubliez pas mon Imovane, docteur ! » Les traitements efficaces de l’angoisse et de l’insomnie étant inaccessibles, je suis persuadé qu’une campagne du style « Les antibiotiques, ce n’est pas automatique » resterait sans effet, car on ne peut supprimer une drogue (et c’en est une) si l’on ne propose rien à la place.

L’AMNÉSIE DES RESPONSABLES

Un dernier phénomène est à signaler : l’amnésie des responsables. Combien de fois ai-je expliqué devant eux que la France pourrait faire des économies majeures en acceptant simplement que les consultations des psychologues et psychothérapeutes diplômés soient prises en charge, ce qui résoudrait le problème de la pénurie des psychiatres et des coûts indirects majeurs engendrés par les benzodiazépines. Chaque fois, on m’a répondu que c’était passionnant et qu’on allait y songer… et chaque fois, quand d’aventure je croisais le même responsable six mois plus tard et que je lui racontais à nouveau mon histoire, il me montrait le même intérêt, comme si c’était la première fois. Rien, bien sûr, n’avait été entrepris.

Alors, par moments, je me sens un peu stressé… Je me demande au fond si je ne devrais pas me rendre à la pharmacie et prendre un ou deux comprimés de…

Par Patrick Lemoine, psychiatre.

http://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/01/20/desintoxiquons-les-francais_4351229_1650684.html
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buddy
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Re: Désintoxiquons les Français des anxiolytiques

Mensajepor buddy » Dom Ene 26, 2014 1:52 pm

Salut,

La France est décidemment un pays de malades :D

Le métro-boulot-dodo fait des ravages, quand le seul sens de la vie proposé est la consommation d'objets... Au bout d'un moment c'est l'angoisse. Alors prend un cacheton!

Rivalpo escribió:Ce n’est que des années plus tard qu’on a pris conscience de tous leurs inconvénients. Et ils ne manquent pas !


Comme c'est bizarre... Toujours les mêmes schémas avec l'industrie pharmaceutique.

Merci pour l'article..


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