[UE] Victoire du lobby de la pêche VS fonds marins
Publicado: Mar Dic 10, 2013 4:50 pm
Le Parlement européen rejette l'interdiction du chalutage en eaux profondes
Après un vote serré, les députés européens se sont finalement prononcés contre une interdiction du chalutage profond, une pratique pourtant controversée.
Le chalutage et l'usage de filets maillants au fond des océans – les deux méthodes les plus destructrices de la pêche dans les grands fonds –, doivent-ils être interdits ? A cette question qui suscite d'intenses efforts de lobbying depuis des mois, les députés européens, réunis en session plénière à Strasbourg mardi 10 décembre, ont finalement répondu non à l'issue d'un vote serré. Les défenseurs des océans espéraient que les élus iraient au-delà du compromis de règlement laborieusement négocié au sein de la commission pêche du Parlement en novembre. Cela n'a pas été le cas.
Le Parlement s'est prononcé sur le principe d'une limitation de la pêche profonde à une large majorité (567 voix pour, 91 contre et 32 abstentions), mais il a rejeté le fameux premier amendement par 342 voix contre 326 : s'il avait été adopté, celui-ci aurait conduit à un bannissement pur et simple du chalutage dans les abysses. Du fait des désaccords au sein des socialistes européens, l'assemblée plénière s'en est tenue à un projet de règlement a minima de cette pratique qui racle les sols marins, endommage coraux, éponges, habitats des poissons juvéniles.
Tirer son chalut sur de nouveaux fonds ne devrait plus être autorisé à l'avenir, les grands chalutiers devront se cantonner à des grands fonds déjà exploitées. Ces nouvelles règles s'accompagneront en outre d'études destinées à cartographier les fonds les plus fragiles.
UN DOSSIER QUI S'EST ENLISÉ
Le compromis va devoir obtenir l'adhésion des ministres européens de la pêche qui vont être amenés à se prononcer à leur tour sur un dossier. Bien qu'il intéresse un large public, cleui-ci a eu tendance à s'enliser depuis que Maria Damanaki, commissaire européenne chargée de ce secteur, a proposé en juillet 2012 d'interdire le chalutage profond dans les deux ans. Précisons qu'il ne s'agissait pas de supprimer toute forme de pêche dans les abysses : l'usage de palangre – moins nocive pour l'environnement marin – n'étant pas remis en cause.
Lundi, lors d'un débat houleux en fin de journée, le rapporteur de la résolution de la commission pêche, le socialiste grec Kriton Arsenis, avait dénoncé la mauvaise volonté des gouvernements à protéger les grands fonds. Mais dans le camp opposé, plusieurs députés bretons, espagnols et irlandais sont intervenus à la tribune pour défendre le statu quo. Leurs plaidoiries ne sont apparemment pas restées vaines.
Chalutage et filet maillant à plus de 200 mètres sous la surface – ce qui constitue la limite de la pêche profonde selon l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation –, représentent 1,5 % des prises dans l'Atlantique nord-est. Mais cette proportion modeste est concentrée dans quelques ports – celui de Lorient, dans le Morbihan en particulier – dont l'économie aurait été impactée.
Parlant au nom de la pêche industrielle, le groupement professionnel Blue Fish Europe a immédiatement communiqué sur ce « triomphe des pêcheurs contre les lobbys environnementalistes » et a remercié les députés européens, pour leur « excellent travail », les deux élus de Bretagne, Isabelle Thomas et Alain Cadec en tête. La première, socialiste, se réjouit pour sa part de « la victoire de la raison », tandis que son homologue Alain Cadec, député PPE, lui fait écho en déclarant que « la raison l'a emporté ». Quant à la Scapêche, armement du groupe Intermarché et principale flottille profonde de France, elle se dit « rassurée ».
« DES POSITIONS INDÉFENDABLES »
C'est évidemment la déception qui domine à l'inverse du côté des défenseurs des océans. « C'est un jour sombre pour la vie dans les eaux profondes, déplore Matthew Gianni, au nom de la Deep Sea Conservation Coalition et de Pew Charitable Trusts. Le Parlement européen y était presque, mais il n'a pu faire preuve d'une détermination suffisante pour éliminer le chalutage de fond qui est pourtant l'une des pratiques de pêche les plus destructrices », conclut-il. Il note que certaines mesures adoptées mardi à Strasbourg pourraient cependant permettre de « limiter les dégâts sur les écosystèmes vulnérables ».
Quant à Claire Nouvian, figure de proue des antichalutage avec son association Bloom, elle ne cache pas sa consternation. Elle parle d'un « jour historique qui célèbre la victoire du lobbying acharné des industriels et de la fabrication d’un mensonge d’Etat. Remercions en premier lieu le gouvernement de François Hollande et les socialistes du Parlement européen pour leurs positions indéfendables qui achèvent de discréditer le pouvoir en place », avec le soutien de leurs adversaires du PPE, dénonce-t-elle.
La pêche des 54 espèces définies comme profondes par la Commission européenne reste de toute façon soumise à des quotas. Les principaux poissons visés par les flottilles de professionnels dans les eaux de l'Union européenne (lingue bleue, dorade rose notamment) vont continuer à être proposés sur les étals des poissonneries. Mais peut-être un peu moins. Quoi qu'en pensent les élus, la pression du public commence à être suivie d'effet. Après Casino, le groupe Carrefour vient d'annoncer fort à propos son intention d'arrêter progressivement de vendre du sabre, du grenadier et du brosme d'ici à juin 2014. Le débat semble s'être déplacé de la scène politique à la sphère des consommateurs.
Après un vote serré, les députés européens se sont finalement prononcés contre une interdiction du chalutage profond, une pratique pourtant controversée.
Le chalutage et l'usage de filets maillants au fond des océans – les deux méthodes les plus destructrices de la pêche dans les grands fonds –, doivent-ils être interdits ? A cette question qui suscite d'intenses efforts de lobbying depuis des mois, les députés européens, réunis en session plénière à Strasbourg mardi 10 décembre, ont finalement répondu non à l'issue d'un vote serré. Les défenseurs des océans espéraient que les élus iraient au-delà du compromis de règlement laborieusement négocié au sein de la commission pêche du Parlement en novembre. Cela n'a pas été le cas.
Le Parlement s'est prononcé sur le principe d'une limitation de la pêche profonde à une large majorité (567 voix pour, 91 contre et 32 abstentions), mais il a rejeté le fameux premier amendement par 342 voix contre 326 : s'il avait été adopté, celui-ci aurait conduit à un bannissement pur et simple du chalutage dans les abysses. Du fait des désaccords au sein des socialistes européens, l'assemblée plénière s'en est tenue à un projet de règlement a minima de cette pratique qui racle les sols marins, endommage coraux, éponges, habitats des poissons juvéniles.
Tirer son chalut sur de nouveaux fonds ne devrait plus être autorisé à l'avenir, les grands chalutiers devront se cantonner à des grands fonds déjà exploitées. Ces nouvelles règles s'accompagneront en outre d'études destinées à cartographier les fonds les plus fragiles.
UN DOSSIER QUI S'EST ENLISÉ
Le compromis va devoir obtenir l'adhésion des ministres européens de la pêche qui vont être amenés à se prononcer à leur tour sur un dossier. Bien qu'il intéresse un large public, cleui-ci a eu tendance à s'enliser depuis que Maria Damanaki, commissaire européenne chargée de ce secteur, a proposé en juillet 2012 d'interdire le chalutage profond dans les deux ans. Précisons qu'il ne s'agissait pas de supprimer toute forme de pêche dans les abysses : l'usage de palangre – moins nocive pour l'environnement marin – n'étant pas remis en cause.
Lundi, lors d'un débat houleux en fin de journée, le rapporteur de la résolution de la commission pêche, le socialiste grec Kriton Arsenis, avait dénoncé la mauvaise volonté des gouvernements à protéger les grands fonds. Mais dans le camp opposé, plusieurs députés bretons, espagnols et irlandais sont intervenus à la tribune pour défendre le statu quo. Leurs plaidoiries ne sont apparemment pas restées vaines.
Chalutage et filet maillant à plus de 200 mètres sous la surface – ce qui constitue la limite de la pêche profonde selon l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation –, représentent 1,5 % des prises dans l'Atlantique nord-est. Mais cette proportion modeste est concentrée dans quelques ports – celui de Lorient, dans le Morbihan en particulier – dont l'économie aurait été impactée.
Parlant au nom de la pêche industrielle, le groupement professionnel Blue Fish Europe a immédiatement communiqué sur ce « triomphe des pêcheurs contre les lobbys environnementalistes » et a remercié les députés européens, pour leur « excellent travail », les deux élus de Bretagne, Isabelle Thomas et Alain Cadec en tête. La première, socialiste, se réjouit pour sa part de « la victoire de la raison », tandis que son homologue Alain Cadec, député PPE, lui fait écho en déclarant que « la raison l'a emporté ». Quant à la Scapêche, armement du groupe Intermarché et principale flottille profonde de France, elle se dit « rassurée ».
« DES POSITIONS INDÉFENDABLES »
C'est évidemment la déception qui domine à l'inverse du côté des défenseurs des océans. « C'est un jour sombre pour la vie dans les eaux profondes, déplore Matthew Gianni, au nom de la Deep Sea Conservation Coalition et de Pew Charitable Trusts. Le Parlement européen y était presque, mais il n'a pu faire preuve d'une détermination suffisante pour éliminer le chalutage de fond qui est pourtant l'une des pratiques de pêche les plus destructrices », conclut-il. Il note que certaines mesures adoptées mardi à Strasbourg pourraient cependant permettre de « limiter les dégâts sur les écosystèmes vulnérables ».
Quant à Claire Nouvian, figure de proue des antichalutage avec son association Bloom, elle ne cache pas sa consternation. Elle parle d'un « jour historique qui célèbre la victoire du lobbying acharné des industriels et de la fabrication d’un mensonge d’Etat. Remercions en premier lieu le gouvernement de François Hollande et les socialistes du Parlement européen pour leurs positions indéfendables qui achèvent de discréditer le pouvoir en place », avec le soutien de leurs adversaires du PPE, dénonce-t-elle.
La pêche des 54 espèces définies comme profondes par la Commission européenne reste de toute façon soumise à des quotas. Les principaux poissons visés par les flottilles de professionnels dans les eaux de l'Union européenne (lingue bleue, dorade rose notamment) vont continuer à être proposés sur les étals des poissonneries. Mais peut-être un peu moins. Quoi qu'en pensent les élus, la pression du public commence à être suivie d'effet. Après Casino, le groupe Carrefour vient d'annoncer fort à propos son intention d'arrêter progressivement de vendre du sabre, du grenadier et du brosme d'ici à juin 2014. Le débat semble s'être déplacé de la scène politique à la sphère des consommateurs.